14 octobre 2011
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17:03
J'étais crevée. J'avais passé une nuit épouvantable. Elle avait commencé naturellement, vers 22:30, avec le débarquement de mes ragnagnas. Et leurs cortèges de petits désagréments. Puis, un peu plus tard, ma collègue avait reçu un appel de son mari. Il l'informait que leur petit garçon était malade. Il ne savait plus trop quoi faire. Elle lui a expliqué. Il a rappelé une demi-heure après. Elle m'a demandé si cela m'ennuyait qu'elle fasse un saut jusque chez elle. Elle flippait.
Elle m'avait rendu service l'autre jour. Je ne pouvais pas lui refuser. Dès qu'elle est partie, deux clientes ont commencé chacune un one-woman-show. J'ai passé des heures à aller de l'une à l'autre. Il n'y avait rien qui allait. Ma collègue est revenue vers 5:30. J'avais une tête de déterrée. Au passage de service, la princesse Carotte me l'a fait remarquer. Elle m'a dit "Bon, je ne te vois pas ce soir…" "Ben, non, je travaille…" Mais sans être désagréable. Plutôt amicale, complice. Elle m'a tendu un bristol avec son numéro de portable. "Si tu te sens mieux samedi, et que tu n'as rien d'autre de prévu, appelle-moi…" J'ai souri, et j'ai pris le petit carton.
Lorsque je suis rentrée dans mon appartement, tout de suite, j'ai vu Mélanie, allongée sur le canapé la mine défaite. Elle a levé les yeux vers moi, elle avait pleuré. J'ai pensé qu'elle s'était fritée avec son mec. "C'est ton mec ?" "Non, non, j'ai saigné…" J'ai eu envie de lui dire "Moi aussi…" Mais j'ai senti qu'elle n'allait pas apprécier. Son visage était marqué par l'inquiétude. J'ai fait ma professionnelle. "Tu veux me montrer ?" Elle s'est étendue. J'ai fait mon examen. Bon, elle ne saignait plus. Je l'ai rassurée. J'ai essayé au moins. Mais c'est resté sans effet. Cela tournait un peu à la panique.
J'ai dit "Habille-toi, je t'emmène aux urgences." Cela n'a pas eu l'effet escompté. "Ah, tu vois, toi aussi tu penses que c'est grave…" "Non, c'est juste pour te rassurer, avoir l'avis d'un médecin…" Nous sommes parties. Arrivées à l'hosto, nous étions au moins cinquante à attendre. C'était la fin de service de nuit. Comme ça, à vue de nez, nous en avions pour des plombes. J'ai demandé à Melosh si elle voulait rester. Elle m'a fait un petit signe de tête désolé pour dire oui. J'ai pris une revue. J'ai mis ma main dans la sienne.
Les urgences, si vous voulez vous regonfler le moral, c'est ce qu'on fait de mieux. Entre les vraiment malades et les tarés. Nous attendions depuis trois quarts d'heure, quand j'ai vu passer une fille qui avait fait l'école avec moi. Je me suis levée, et suis allée la voir. Je lui ai expliqué, en lui demandant si elle ne pouvait pas nous faire passer tout de suite. Elle était ok, elle en terminait juste avec le mec dont elle s'occupait, et venait nous appeler. Elle m'a demandé le nom de Mélanie pour récupérer sa fiche.
Un quart d'heure plus tard, elle est arrivée. Une fiche à la main, elle a appelé Mélanie. Des personnes ont fait le rapprochement entre mon intervention, et le fait que Melosh passe avant les autres. Il y a eu des protestations, mais ma copine infirmière a coupé court en disant que Mme de P. était enceinte. Elle m'a demandé d'attendre ici. Mélanie m'a demandé d'appeler sa boutique pour prévenir. Elles sont parties toutes les deux. Le nom de Mélanie a provoqué des réactions hostiles. Style "Ah oui, Madame de… passe avant les autres…" J'étais en pays ennemi. Je suis sortie pour utiliser mon portable. Puis, j'ai repris place. J'ai pris une revue, croisé les jambes, et me suis murée dans l'indifférence.
Plus le temps passait, plus l'inquiétude me gagnait. Il était presque midi quand je me suis décidée à aller me renseigner au bureau d'arrivée. La fille m'a demandé de patienter, et elle est partie aux nouvelles. Elle est revenue dix minutes après. Elle m'a dit qu'ils l'avaient emmenée au service gynécologie. Super, je commençais vraiment à flipper. La fille a été sympa, elle a téléphoné pour avoir des nouvelles. C'était terminé, Mélanie revenait, elle allait arriver d'une minute à l'autre.