19 août 2011
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En arrivant près de la clinique, un mec, style bcbg, petit attaché case à la main, m'aborde "Elle est bien jolie la panthère !" Je ne sais pas trop quelle attitude prendre, je fais mon sourire passe-partout, et continue d'avancer. "Elle a un peu de temps avant de retourner dans sa cage ?" C'est idiot, mais ça me fait rire. Intérieurement, bien sûr. Je consulte ma montre, celle avec le marteau, l'étoile et la faucille. "Alors panthère ?" "Moins d'un quart d'heure…" "C'est bien peu…" "Ben oui, les horaires du zoo sont très stricts !" "On a le temps d'aller jusqu'au prochain trou d'eau ?" Il me montre un bar, de l'autre côté de la rue. Je traverse, il me suit. Nous nous asseyons au bar. "J'adore les speed dating improvisés!" dit-il. Le serveur s'enquiert. L'attaché case annonce "La même chose que mademoiselle !" Je choisis un Vichy-Fraise, mais Célestins, le Vichy. Pour l'éclat du teint.
Du coup, je suis en alerte, je le soupçonne de pouvoir être mon correspondant anonyme. "On dit que les filles qui s'habillent en panthère ont énormément de tempérament… au lit !" Ben, au moins, je sais à quoi m'en tenir. Je fouille dans mon sac, sort mes cigarettes, en met une à la bouche. Le serveur intervient "Mademoiselle, on ne peut pas fumer…" "Si, on peut, juste on nous l'interdit. Mais, je ne fume pas, j'ai juste une cigarette à la bouche…" Bcbg reprend "Alors vous en pensez quoi ?" "Je trouve cela injuste." J'aime bien répondre à côté. "Je parlais des filles en robe panthère…" "Ben, c'est la première fois que j'en mets une." Je sors l'enveloppe verte, la pose devant moi... Aucune réaction. Je commence, style speed dating. "Bonjour, je m'appelle Amélie, mais on m'appelle Lili, j'ai 19 ans, je suis femme de ménage à la clinique en face, j'ai un enfant de trois ans, un peu simplet. Parce que c'est le fils de mon père. C'est ma mère qui le garde pendant que je travaille la nuit. Au lit, je suis plutôt étoile de mer. A vous."
Il rit franchement. Un rire agréable. Il est gentil, ou il a une idée derrière la tête. Ou les deux. Je regarde ma montre. Il commence "Alors, bonjour, moi je m'appelle Aurélien, j'ai 33 ans. Je suis célibataire. Ingénieur informaticien. J'ai très envie de vous revoir, avec ou sans votre peau de panthère. Mon numéro de portable est le … Il est inutile que je vous demande le vôtre, avec la tonne de mensonges que vous avez réussi à placer dans une seule phrase." Je me lève, annonce qu'il va être l'heure de la cage. "Vous ne notez pas mon numéro de portable ?" "Vous êtes très observateur !" "Mais j'aimerai beaucoup vous revoir…" "Lili, femme de ménage." Dis-je en montrant la clinique. Je lui fais une bise, je sors. Je ne me retourne pas.
Aux consignes, avec les filles de l'après-midi, docteur M est là. Qui ne me quitte pas des yeux. Enfin c'est ce que je ressens. "Vous êtes ravissante Lou-Ève, j'aime beaucoup votre nouvelle coiffure. Et c'est une vraie surprise de vous voir avec une telle robe." Bon, là, je pense qu'il se paie carrément ma tête. Et pas qu'un peu. Je le place dans les favoris. Je veux en avoir le cœur net. Je fouille dans mon sac, fait semblant de chercher mon portable. Et en le sortant fait tomber malencontreusement la lettre verte sur le carrelage. Il se baisse pour la ramasser, me la tend. Indifférent. Aucune émotion. Je remercie, la range à nouveau dans mon sac. Retour en arrière. Outsider.
Le matin, au vestiaire, je vois arriver la princesse Carotte, chignon et grosses lunettes. Je suis en culotte et soutif, en train de passer ma robe panthère. Elle me regarde incrédule. "Tu mets ce genre de robe toi ?" Je fouille dans mon sac, sort la lettre verte, la lui tend. "Ah oui, je comprends. Je n'ai rien eu moi." Jalouse ? "Tu penses aller jusqu'où avec ce mec ?" Jalouse ! "Aucune idée, au lit peut-être ?" "Sérieusement ?" Je réponds "Je suis très –open-" en faisant le geste des guillemets avec les index et les majeurs. Dans le plus pur style dombaslien. "En tout cas, la coiffure c'est très joli, j'aime beaucoup." Que dire. Chouk arrive. Morte de rire "Oh la la , la pouf ! Je comprends ce que cela veut dire : faire la nuit" La bonne humeur de Chouk est communicative. Je ris, lui montre la lettre. Princesse Carotte a l'air étonné que je fasse cela. Plus qu'étonnée même, contrariée. Je dois devenir parano.
Lorsque j'arrive chez Dany, nous restons deux heures dans les bras l'une de l'autre, à nous embrasser, nous caresser. Je lui dis des je t'aime. Plein. Elle prépare le café. Nous nous asseyons à la cuisine. "Tu as changé ta coiffure ?" Je sors la lettre verte, lui tend, elle lit. "C'est qui ?" Je fais pfft en écartant les mains. "Et tu fais ce qu'il te dit ?" "Jusqu'à maintenant, oui. J'en ai parlé avec Mélanie. Elle est ok. Elle dit que c'est amusant."
Dany adore Mélanie. Cela la rassure, mais pas suffisamment. "Ce n'est pas dangereux ? Avec tous ces trucs que l'on voit maintenant ?" "Tu sais, s'il me demande de me balader la nuit, à poils, zup de Rillieux, je ne suis pas vraiment sure d'y aller…" Elle rit. J'aime bien quand ma mère rit. Elle est belle quand elle rit. Quand elle ne rit pas aussi. "Fais quand même attention !" "Mais oui maman !" "Tu veux dormir ici ?" "Ben, pourquoi pas… avec plaisir." C'est trop bon de dormir chez ses parents, avec maman qui veille sur vous.