Nous sommes retournées à l'appartement dans la voiture de la princesse Carotte. Je devais récupérer vêtements et voiture stationnée à proximité. Elle m'a proposé la tenue que je portais pour 250 euros, mais sans le chapeau. Allez savoir pourquoi ? Je n'en avais pas vraiment l'utilité, de cette tenue, mais, je me trouvais belle et étrange en gothique. Finalement, j'étais ok, je lui passerai le chèque lundi à la clinique, puisqu'elle ne prenait pas la carte bleue (!), et lui rendrai le chapeau. Je lui ai rendu l'œuf… J'ai récupéré mes affaires, puis nous nous sommes séparées. Plus exactement, je suis partie. Je n'étais pas dupe. Je savais bien qu'un jour, il en irait autrement. C'était trop simple, trop beau. Un jour, elle me demanderait de lui apporter du plaisir à elle. De quelle manière ? Pour l'instant, elle se contentait, par petites touches, de me rendre redevable. Combien de scénarii axés sur mon seul plaisir allait-elle me proposer, avant de passer à ce pourquoi elle m'avait destinée ? Bien sûr, elle répétait sans cesse que j'étais libre. A quel moment penserait-elle que je ne le serai plus ? A quel moment, moi, penserai-je ne plus l'être ? Il me paraissait inconcevable que ces petits jeux, lui apporte quelque chose à elle. Donc, fatalement, j'allais devoir payer.
Il était un peu plus de 18:00, je me suis dit que je pouvais aller directement chez Romain. C'était beaucoup plus près. Retourner chez moi, serait une inutile perte de temps. L'inconvénient, c'est que j'étais travestie en gothique. Une fois arrivée près de chez lui, je me suis regardée dans une vitrine. Non, pas travestie, habillée ! Je me suis trouvée fondante. Les larmes de mon plaisir avaient dessiné deux petites rigoles aux coins de mes yeux. Belle et étrange, je vous l'ai dit.
J'ai sonné chez Romain. C'est Pierre-Louis qui m'a ouvert, ne m'a pas reconnue. "Qu'est-ce que vous désirez ?" J'ai soulevé la petite voilette, je l'ai embrassé. "C'est Lou-Ève, il est là Rom ?" "Oh putain, je ne t'avais pas reconnue, c'est carnaval ?" Je n'ai pas souri. Cela laissait augurer de la réaction de Romain. Elle a été à la hauteur de mes attentes. Je passe sur les trucs les plus blessants. "J'étais venue te chercher pour aller dîner chez mes parents…" "Et tu as l'intention d'y aller comme ça ?" "Tu ne me trouves pas belle ?" Je sentais monter mes larmes. Pas pour l'histoire de me trouver belle ou non. Parce que j'aurai aimé que cela l'amuse. Et j'étais déçue. "Si, tu es belle, mais c'est quoi ce déguisement ? Pourquoi tu t'es sapée ainsi ?" Joker, ai-je répondu en soulevant le jupon, exhibant mes bas et mon porte-jarretelles, en riant. "Tu ne me trouves pas sexy ?" "J'aimerai savoir d’où tu sors là…" "De l'église…" J'ai laissé retomber le jupon. "Tu es vraiment dingue !" "Bon, tu ne viens pas alors ?" "Si, si, mais on passe chez toi, et tu te changes…" "Oh la la, va te faire mettre à la fin !"
Je suis partie en claquant la porte. J'ai dévalé les escaliers, et continué à courir dans la rue. "Putain, quel con, mais quel con !" Un peu plus loin, il m'a rattrapée avec sa voiture. Il a baissé la vitre "Monte…" Je me suis tournée vers lui, lui ai fait un bras d'honneur, ai continué à courir, oubliant ma voiture garée non loin de là. Il m'a rejointe à nouveau, dépassée, puis s'est arrêté, est descendu en laissant sa voiture tourner au milieu de la rue. Il m'a attrapée, m'a serrée dans ses bras, m'a embrassée. Il s'est reculé en me tenant toujours. J'ai ri, mon rouge avait marqué ses lèvres. "Allez, on y va… Rien que pour voir la tête de ton père…" "Non, tu viens seulement si c'est pour être avec moi !" "Mais bien sûr que j'ai envie d'être avec toi, tu devais m'envoyer un sms, rien, et tu arrives comme ça…"
Je suis montée dans la voiture. Lui aussi. Il s'est penché, m'a embrassée à nouveau. Je n'ai rien dit. J'ai pensé que nous n'étions pas faits pour être ensemble. Que nous étions trop différents. Puis, plus prosaïquement, que cela venait de moi, que je n'étais pas impliquée dans notre relation… Que je donnais peu, et demandais beaucoup. Qu'il y avait déséquilibre. De plus, j'avais trop envie d'être avec Mélanie, là, maintenant. Ça me prenait le ventre. Mes parents m'attendaient…Je savais aussi pourquoi j'étais ainsi. Irritable, avec des sautes d'humeur incontrôlables. Voulant tout et son contraire. Lundi c'était pleine lune, j'allais avoir mes règles. Pendant tout le trajet, je suis restée butée, silencieuse, la tête appuyée contre la vitre.
Quand nous sommes arrivés chez mes parents, maman m'a vue, et a beaucoup ri. Cela m'a fait du bien, débloquée, j'ai ri avec elle. Romain nous regardait comme si nous étions deux extra-terrestres. Maman, m'a prise par la main, m'a conduite au salon, et a dit à mon père, le visage illuminé "Regarde qui j'ai trouvée !" Mon père n'a pas ri, il a juste dit "Halloween est avancé cette année ?" J'ai remonté mon jupon, et je suis allée vers lui, en chaloupant. Je lui ai fait une bise sur les deux joues, Le marquant, lui aussi, avec mon rouge. Il m'a serrée dans ses bras "Folle…tu es de plus en plus folle."
Nous avons mangé, puis sommes passés au salon. Papa, voulait regarder le PSG. J'ai dit que, quand même, il ne fallait pas déconner, que nous étions tout de même des gens civilisés. Même gothique, on avait sa dignité. Finalement nous nous sommes posés devant "Hors de prix" avec Gad Elmaleh, que je trouve aussi expressif qu'une tranche de veau, (Je l'ai déjà dit ?) et Tautou, que je n'aime pas non plus, mais sans savoir pourquoi. A cause d'Amélie Poulain, je crois, j'avais trouvé ce film débile. J'étais assise entre Romain et Dany. Chacun, de son côté, me tenant la main. C'était agréable. Et j'étais là, béate, à me dire que je devrai rompre avec Romain. Mais rompre définitivement. Que ce serait sans doute la décision la plus intelligente que je prendrai depuis bien longtemps. Deux mois ? Mais, je n'avais pas envie de gérer une crise.
Une fois le film terminé, Dany a demandé "Vous dormez ici ?" "Non !!!" "Vous voulez un café ?" "Oui…" Nous avons bu le café, en regardant l'orage débuter. Il était près de minuit, quand j'ai dit à Rom "Tu me ramènes ?" Ce n'était pas vraiment une question, plutôt une manière de dire qu'il était temps de rentrer. Dans la voiture, j'ai voulu le provoquer. "Alors, tu l'aimes la gothique ?" "Oui, je trouve même que cela te va très bien…" Rupture ? Quelle rupture ? Finalement, ces petites scènes de ménage m'amusent profondément. Un jour, il faudra vraiment savoir ce que je veux. Un jour.